Violences sexuelles commises par des mineurs : comprendre pour mieux agir

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Les violences sexuelles commises par des mineurs représentent près d’une affaire sur deux dans les cas de viols et d’agressions sexuelles sur des jeunes victimes*1. Encore trop souvent sous-estimées, ces violences touchent des personnes de plus en plus jeunes : 43% des auteurs de ces violences ont moins de 15 ans. Un rapport du Sénat publié en 2022 notait une augmentation de 59,7% des violences sexuelles commises par des mineurs sur d’autres mineurs entre 2016 et 2021.

On retrouve dans les violences sexuelles entre mineurs les mêmes infractions que celles commises par des adultes : agression sexuelle, viol, exhibition sexuelle, ou encore la diffusion d’image d’autrui à caractère sexuel, à l’exception des propositions sexuelles et de l’atteinte sexuelle qui concernent uniquement des faits commis par un majeur sur un mineur.

Ces actes se produisent souvent dans le cercle proche du mineur, dans l’entourage, à l’école ou lors d’activités sportives et culturelles. Dans la majorité des cas, les agresseurs et les victimes se connaissent. 

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Une affaire sur deux de violences sexuelles sur mineurs concerne des mineurs auteurs*1

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des auteurs mineurs
ont moins de 13 ans

Dans une étude portant sur 350 jeunes auteurs de violences sexuelles dans un établissement correctionnel, il a été constaté que 95% connaissaient leurs victimes et « les victimes communes étaient des frères et/ou des enfants pour lesquels l’auteur était babysitter »*2. 

Certains de ces actes se déroulent comme des jeux ou des défis collectifs, où l’agresseur ne comprend pas toujours la gravité de ses actes.

Lors de la rencontre avec le mineur auteur, les professionnels du milieu de l’enfance rencontrent deux grandes difficultés : lui faire prendre conscience de son comportement et de la gravité des faits mais aussi des conséquences pour la victime. Certains professionnels de l’enfance relèvent des difficultés à échanger sur les comportements sexuels avec les mineurs et leur famille. 

Ils remarquent également que les mineurs auteurs ont souvent une attitude de déni, qu’ils refusent de reconnaître ce qu’ils ont fait ou minimisent la gravité de leurs actes. 

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d’augmentation des cas de violences sexuelles commis par des mineurs entre 2016 et 2021 

Comprendre les facteurs de risques et de vulnérabilité

Les violences sexuelles commises par des mineurs sont un sujet délicat et complexe, souvent difficile à comprendre. Il est impossible de citer tous les facteurs pouvant amener des mineurs à commettre de tels actes, chaque cas étant différent en fonction de la personne concernée. 

Voici quelques exemples les plus courants : 

Facteurs internes

La période de l’adolescence est une période de remaniements psychiques et relationnels. 

Les jeunes traversent une phase essentielle de développement, où ils cherchent à se définir par rapport aux autres. 

À l’adolescence, le besoin de pouvoir et de contrôle sur soi et sur les autres est courant. Certains jeunes ressentent le besoin de se sentir importants ou dominants, parfois à travers des comportements violents. 

C’est également une période de transition où les jeunes se détachent émotionnellement de leurs parents pour se rapprocher de leurs pairs (Marshall, 1994). Chez les jeunes, cette période de changements corporels et émotionnels peut générer des besoins affectifs, des frustrations et un malaise, notamment pour ceux qui manquent d’habiletés sociales ou de confiance en eux (Richard-Bessette, 1996). 

Ces adolescents souvent anxieux, ayant une faible estime de soi ou des difficultés à s’affirmer socialement ont du mal à établir des relations avec leurs pairs et à développer des liens intimes (Becker et al., 1986; McKibben et Jacob, 1993). 

Par peur du rejet ou par manque de compétences relationnelles, ils peuvent chercher des moyens détournés pour combler leurs besoins d’intimité, se tournant parfois vers des situations de domination où le risque de rejet est faible (McmKibben, 1993). 

Ce comportement crée un cercle vicieux : leur isolement et leur mal-être les empêchent d’apprendre à interagir et renforcent leurs difficultés relationnelles (Richard-Bessette, 1996). 

Dans le modèle de Marshall et Barbaree (1990), il est suggéré que l’augmentation des hormones sexuelles à l’adolescence, chez les jeunes ayant vécu des difficultés durant l’enfance (faible estime de soi, troubles sociaux ou émotionnels), peut influencer la distinction entre sexualité et agression.*3 

Il est important de noter que certains jeunes auteurs de violences sexuelles ont eux-mêmes été victimes de violences sexuelles. Cette expérience de victimisation peut engendrer un cycle de violence, où l’enfant, en raison de ses propres souffrances, reproduit des comportements qu’il a subis même parfois sans avoir conscience de la gravité des faits et de l’interdit de ses comportements. Ce phénomène souligne l’importance de la sensibilisation et l’accompagnement précoce pour briser ce cycle destructeur. *4 

Une enquête réalisée en 2005 par l’INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale) indique qu’environ 30% des adolescents auteurs de violences sexuelles avaient eux-mêmes subi des abus sexuels dans leur enfance. 

La victimisation dans l’enfance semble augmenter le risque de comportements déviants, mais elle ne constitue pas une causalité directe et inévitable. D’autres facteurs, tels que le contexte familial, les troubles psychologiques et l’accès à des modèles de résilience, jouent également un rôle important. 

Les relations familiales jouent un rôle clé dans le développement psychologique des enfants. Un environnement familial difficile, marqué par la violence, des carences affectives, de la négligence ou un manque de prévention et d’échanges peut augmenter le risque de comportements violents chez les enfants. 

Dans ces situations ou dans ce contexte, les enfants peuvent avoir du mal à comprendre les notions de consentement et de respect mutuel. Ils peuvent également mettre en place des mécanismes de protection pour se rassurer, combler un besoin. 

Dans les familles où des dynamiques incestueuses existent, les enfants peuvent être exposés à des comportements qui brouillent leur compréhension des limites et du respect d’autrui. Dans ces environnements, l’enfant peut intérioriser des relations de domination et d’emprise, qu’il risque de reproduire plus tard, par manque de modèle sain et sécurisé. En grandissant, certains jeunes ayant vécu dans un contexte familial marqué par des abus peuvent ainsi développer des comportements déplacés, sans mesurer leur gravité. 

Un environnement familial instable peut aussi amener des troubles de l’attachement. Les études montrent que celui-ci est beaucoup plus fréquent chez les auteurs de violences sexuelles que dans la population générale. Une étude indique même que jusqu’à 93 % des agresseurs sexuels d’enfants présentent un attachement insécure. *3

En dehors des environnements familiaux difficiles, la sexualité au sein de la famille reste un sujet tabou, souvent peu abordé. Ce manque de dialogue est accentué par une éducation sexuelle à l’école encore insuffisante, laissant les jeunes peu informés sur les limites, le consentement, et les dynamiques de pouvoir dans les relations. 

En France, selon les directives du ministère de l’Éducation Nationale, les élèves doivent recevoir trois séances d’éducation à la sexualité par an. Bien que ces séances soient obligatoires, leur application varie beaucoup d’un établissement à l’autre. En réalité, de nombreux élèves n’ont pas ces trois séances par an mais qu’une sensibilisation limitée, voire aucune.

Certains enseignants se sentent mal préparés pour aborder ces sujets sensibles, tandis que des parents, parfois, expriment des réticences par crainte que l’éducation sexuelle expose leurs enfants à des informations inadaptées à leur âge.

L’accès précoce à la pornographie et aux contenus sexuels explicites, souvent banalisé dans les médias et sur les réseaux sociaux, influence la vision des jeunes sur la sexualité. Ces contenus montrent parfois des relations où la violence et l’absence de consentement sont normalisées, créant une confusion sur les attentes dans les relations. 

Des adolescents peuvent alors reproduire ces comportements sans comprendre ni avoir conscience de leur gravité.

D’après des chiffres datant de 2023*5, l’exposition des mineurs aux contenus pornographiques est en forte progression sur internet. Chaque mois, 2,3 millions de mineurs visitent des sites pornographiques. Dès l’âge de 12 ans, plus de la moitié des garçons y accède au moins une fois par mois, ils sont près des deux tiers à s’y rendre entre 16 et 17 ans. En moyenne, 12 % des visiteurs de ces sites sont mineurs.

Les facteurs neuropsychiques et les troubles de santé mentale jouent un rôle important dans la compréhension des comportements violents chez certains adolescents. Certains jeunes peuvent présenter des troubles de l’impulsivité, des difficultés de contrôle des émotions qui affectent leur capacité à comprendre et respecter les limites. Des conditions comme les troubles du spectre autistique ou certains troubles de l’humeur peuvent, dans certains cas, entraîner des comportements inadaptés.

Ces jeunes, souvent mal encadrés ou non diagnostiqués, peuvent avoir plus de difficultés à saisir la gravité de leurs actes ou à anticiper leurs conséquences.

Il est important de souligner que ces facteurs neuropsychiques, seuls, ne suffisent pas à expliquer les comportements violents, mais ils peuvent constituer un terrain propice lorsque ces jeunes évoluent dans des environnements difficiles ou sont exposés à d’autres influences négatives (violence dans la famille, manque de soutien scolaire, absence de repères clairs, etc.).

Il est essentiel de comprendre que ce n’est jamais un seul facteur isolé qui conduit un mineur à commettre des violences sexuelles. Ces comportements résultent de multiples éléments, tels que des facteurs personnels, familiaux, sociaux et contextuels. C’est l’interaction de ces influences, souvent accompagnée d’une succession d’événements ou de dynamiques, qui peut mener à un passage à l’acte.

La justice pénale des mineurs en France

La loi Billon du 21 avril 2021 a instauré une présomption de non-consentement pour les mineurs de moins de 15 ans (et moins de 18 ans en cas d’inceste). Cela signifie qu’il n’y a plus besoin de prouver qu’il y a eu contrainte, violence, menace ou surprise pour démontrer qu’un mineur n’a pas consenti.

Bien que cette loi représente une avancée importante, elle ne s’applique qu’aux auteurs majeurs et ne dit rien concernant les mineurs auteurs d’actes. Le législateur reste donc silencieux sur la légalité des relations sexuelles entre mineurs, malgré les critiques de certains experts juridiques.

Lors d’une affaire concernant un mineur auteur, la procédure judiciaire inclut plusieurs acteurs clés :

  • La police recueille des informations et des témoignages sur le mineur. Sur demande du procureur de la République, les services de police et de gendarmerie recueillent la parole du mineur victime et effectuent différents actes d’enquêtes pour obtenir le maximum d’éléments sur les faits rapportés et sur la personnalité du mineur victime et du mineur mis en cause.
  • Le procureur de la République décide ensuite des poursuites.
  • Le juge des enfants est saisi pour les affaires concernant des mineurs auteurs.

Les mineurs peuvent être jugés pour des délits et des crimes devant des tribunaux spécifiques, comme le tribunal pour enfants ou la cour d’assises des mineurs. La Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ) joue aussi un rôle essentiel en accompagnant les mineurs tout au long de la procédure, en faisant des évaluations socio-éducatives et en appliquant les décisions de justice.

Des audiences peuvent avoir lieu pour décider si un mineur est coupable et quelle sanction lui donner. Des mesures éducatives peuvent être mises en place, comme des suivis éducatifs ou des placements dans des établissements spécialisés. Une procédure de mise à l’épreuve éducative permet de juger rapidement le mineur tout en lui offrant un soutien éducatif continu. Cela garantit que la justice pour les mineurs se concentre sur la réinsertion et la prévention de la récidive. 

Pendant la période de mise à l’épreuve éducative, les mesures suivantes peuvent être appliquées :

  1. Une expertise médicale ou psychologique ;
  2. Une enquête judiciaire éducative ;
  3. Une mesure éducative temporaire, selon les règles établies ;
  4. Un contrôle judiciaire ou une assignation à résidence avec surveillance électronique.

 

Ces mesures temporaires prennent fin à la date prévue par la décision, ou au moment du jugement, sauf si elles sont levées avant. Les décisions sont immédiatement exécutables et peuvent être contestées en appel.

En France, les peines pour un mineur reconnu coupable d’agression sexuelle ou de viol dépendent de son âge et de la gravité des faits. Lorsqu’un mineur commet une infraction, sa responsabilité pénale peut être engagée, mais une évaluation de sa situation est menée. La prise en compte de l’âge et la situation du mineur permet d’adapter la peine par rapport à un adulte, car son développement psychologique et émotionnel n’est pas encore terminé. 

La procédure judiciaire est spécifique pour les mineurs et un nouveau code pénal a été créé, favorisant les sanctions éducatives plutôt que strictement punitives. 

Âges de la responsabilité pénale *6

Moins de 13 ans

Les mineurs de moins de 13 ans sont présumés dépourvus de discernement (présomption de non-discernement) ; par conséquent, il n’y a, en principe, pas de responsabilité pénale pour eux. La responsabilité pénale ne peut être retenue que si le mineur est prouvé discernant. Dans ce cas, il encourt une peine réduite de moitié par rapport à celle encourue par un majeur. 

Les mineurs dans cette tranche d’âge peuvent être pénalement responsables, mais leur responsabilité est atténuée. Ils peuvent être jugés par des juridictions spécifiques aux mineurs. Les mesures possibles incluent un contrôle judiciaire, une assignation à résidence avec surveillance électronique, ou une détention provisoire. Dans le cadre de la Justice des mineurs, les peines encourues sont souvent moins sévères que pour les adultes. 

À partir de 16 ans, les mineurs peuvent être jugés comme des adultes pour certains crimes graves, y compris les violences sexuelles, bien que des mesures éducatives restent possibles. Cela signifie qu’ils peuvent encourir des peines maximales, bien que le système judiciaire privilégie toujours des solutions favorisant la réinsertion. 

L’incarcération des mineurs concerne en moyenne seulement 2% des mineurs pris en charge et doit toujours être le dernier recours. La majorité des mineurs en prison est en détention provisoire. En 2021, la France a adopté le Code de la Justice Pénale des Mineurs (CJPM), qui a changé la manière de traiter les mineurs délinquants, y compris ceux ayant commis des violences sexuelles. Ce code cherche à trouver un équilibre entre la protection des victimes, la réinsertion des mineurs et la prévention de nouvelles infractions. 

Aujourd’hui, l’objectif est de trouver un équilibre entre la responsabilité pénale et la nécessité d’éduquer et de réhabiliter les mineurs auteurs. L’accent est mis sur la protection des victimes et sur l’importance d’interventions précoces pour prévenir la récidive et soutenir les jeunes dans leur développement. 

Ce qu’il faut retenir

Les violences sexuelles commises par des mineurs représentent presque la moitié des cas de viols et d’agressions sexuelles sur de jeunes victimes. 

Ces actes se produisent souvent dans des environnements familiers et ce phénomène peut être accentué par plusieurs facteurs de risque : comportementaux, hormonaux, familiaux, sociaux, numériques, neuropsychiques… Il est donc crucial de sensibiliser les jeunes dès le plus jeune âge au consentement et au respect des autres pour prévenir ces comportements déviants. 

La justice des mineurs, quant à elle, cherche à concilier responsabilité pénale et réinsertion, tout en veillant à protéger les victimes. 

Bibliographie

*1 / Violences sexuelles entre enfants : les comprendre pour mieux les combattre
Slate.fr, 2023 

*2 / Treatment of the Adolescent Sexual Offender
T. J. Kahn et M. A. Lafond, 1988 

*3 / Les adolescents victimes et auteurs de violence sexuelle
Nicolas Gilles, 2020 

*4 / Prise en charge des mineurs auteurs d’infractions à caractère sexuel à la protection judiciaire de la jeunesse
Direction de la protection judiciaire de la jeunesse, 2022 

*5 / Fréquentation des sites adultes par les mineurs
ARCOM, 2023

*6 / Guide de la justice des mineurs
Ministère de la Justice 

Le profil des auteur-e-s de violences sexuelles
Robert Courtois, CRIAVS CVL, CHRU Hôpitaux de Tours, 2021 

La violence sexuelle et le processus adolescent
Pascal Roman, 2004 

L’adolescent transgresseur sexuel
Emmanuel de Becker 2009

Illustrations : Guide de la justice des mineurs, ministère de la Justice

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