La résilience
Par définition, en psychologie, la résilience est la capacité d’un individu à reprendre le cours de sa vie, à rebondir après un traumatisme physique ou psychique. En dépit de l’adversité, cet individu va entreprendre un nouveau développement en fonction de ses propres capacités émotionnelles et cognitives, se reconstruire et se réadapter à la vie. La résilience est un processus dynamique, évolutif et même créatif qui s’élabore dans le temps et s’entretient.
« Il y a des facteurs qui vont pouvoir favoriser la mise en place de cette résilience :
- des facteurs intrinsèques à l’individu, qui dépendent notamment du fonctionnement du cerveau
- des facteurs sociaux : la dynamique sociale et individuelle qui va favoriser la mise en place de ces mécanismes de résilience »
Pierre Gagnepain – chercheur spécialiste de la mémoire
Après un événement traumatique, il est impossible de faire disparaître la souffrance mais cette souffrance peut devenir un tremplin pour des choses plus positives, pour se réinventer, se reconstruire. La personne résiliente va avoir la capacité à faire face à son souvenir traumatique et ne va pas chercher à l’occulter. L’enjeu des thérapies est de donner les armes pour lutter contre ce souvenir, de faire en sorte que la détresse associée s’amenuise.
La résilience ce n’est pas seulement résister face au traumatisme, c’est aussi être capable de trouver en soi des réponses et des stratégies pour s’adapter.
Afin d’accéder à cette résilience, plusieurs moyens peuvent être utilisés, comme la thérapie par le sport et par l’art.
Comment le sport contribue-t-il à la résilience des femmes victimes de violence ?
Il y a deux axes importants : l’estime de soi et la réappropriation de son corps. Les femmes que nous accompagnons présentent souvent des niveaux de stress et d’anxiété très élevés, et la pratique du sport aide à réduire cela. Le karaté, en particulier, permet une reconnexion avec leur corps et offre un moyen d’expression physique pour libérer des émotions telles que la colère. L’objectif est qu’elles se sentent mieux, plus détendues, avec une meilleure posture et une meilleure perception de leurs sensations corporelles.
Quels sont les différents profils de femmes que vous accompagnez ?
Nous travaillons avec quatre types de profils principaux : des femmes victimes de pédocriminalité, ayant subi des mutilations génitales, ayant traversé des parcours migratoires difficiles, et victimes de violences conjugales. Chacune de ces catégories présentent des besoins spécifiques auxquels nous répondons, grâce à notre approche personnalisée et adaptée.
Pensez-vous que tous les sports peuvent aider à la résilience ?
Absolument. Le sport, par son universalité et son pouvoir, a le potentiel d’aider à la résilience. Tous les sports, peuvent et doivent se mettre à la disposition de ce public. L’ingénierie que nous avons développée avec le karaté est tout à fait transposable à d’autres disciplines sportives, et c’est d’ailleurs l’un de nos objectifs futurs.
Le sport-thérapie
Les violences sexuelles engendrent avant tout un traumatisme corporel et sensoriel. C’est pourquoi dans le processus de résilience le soin du corps est bénéfique pour les victimes de violences sexuelles.
Définition
Le sport-thérapie est une démarche thérapeutique dont le but est d’aider les individus à se motiver et à bouger afin qu’ils prennent conscience des effets bénéfiques du sport sur le corps, les émotions, les sensations et les pensées.
Trois facteurs de résilience apparaissent essentiels dans le sport : la détermination individuelle, la solidité physique et le contrôle émotionnel.
Le sport en plus d’être bénéfique pour la santé physique, améliore aussi la condition mentale des personnes souffrant d’anxiété, de stress ou de dépression, avec parfois une réduction significative des traitements médicamenteux.
La thérapie par le sport augmente l’estime de soi, la confiance en soi, la sensibilisation corporelle et l’interaction avec les autres. Être actif est un élément clé de la santé mentale et physique.
Dans certains pays comme le Canada, le sport est déjà intégré à la thérapeutique, il constitue notamment l’un des premiers éléments de traitement des troubles dépressifs légers à modérés.
Comment la pratique du sport et notamment celle de l’escrime aide-t-elle les victimes de violences sexuelles ?
Avec la pratique de l’escrime, on prend en charge le corps, c’est très important pour des victimes de violences sexuelles. Ces personnes ont besoin d’évacuer la colère qu’elles ont pratiquement toutes en elles, et d’y mettre un sens. On leur permet ainsi de le faire dans un lieu sécurisé.
Avec cette discipline, on matérialise beaucoup de choses. Pour pratiquer ce sport il faut respecter certaines limites, rester sur la piste, attaquer et défendre mais jamais trop l’un ou l’autre. La tenue, avec le casque notamment, permet une protection et le sabre permet de se défendre. Puis c’est un sport qui fait intervenir l’instinct chez les victimes, il faut réagir vite avec son corps et non pas avec sa tête.
Quels sont les signes de progrès que vous observez chez les victimes que vous accompagnez ?
Le changement le plus flagrant est la nouvelle posture qu’elles adoptent. Au début de ces ateliers, elles sont recroquevillées, voûtées, le visage fermé. Puis quelques mois plus tard elles s’épanouissent, se redressent et sourient, c’est incroyable.
L’art-thérapie
L’art-thérapie est une forme de thérapie expressive qui utilise la création artistique comme moyen de communication et d’expression des émotions. Elle repose sur la création à travers la peinture, le dessin, la sculpture, la danse, la musique, ou d’autres disciplines artistiques. En pratiquant l’art-thérapie, les personnes sont encouragées à exprimer leurs pensées et leurs émotions à travers l’art. Cette pratique aide à mieux comprendre et gérer ses émotions, à réduire son stress, à améliorer l’estime de soi et à favoriser le développement personnel.
L’objectif à travers cette « discipline » est de s’engager dans un processus de découverte de soi à travers l’expression artistique. Grâce à ce processus, les personnes peuvent exprimer des émotions parfois difficiles à verbaliser. L’activité proposée est apaisante et méditative ce qui aide à réduire le stress et l’anxiété.
Le processus de création artistique peut renforcer la confiance en soi en montrant la capacité à réaliser quelque chose de significatif, même sans compétences artistiques préalables. Puis, l’art peut aider à réguler les émotions en fournissant un exutoire pour les sentiments négatifs comme la colère, la tristesse et la frustration.
Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste l’art thérapie ?
L’art-thérapie s’adresse à tout le monde mais en particulier aux personnes qui sont victimes, objets, de leurs tourments internes ou externes, de violences. On leur propose d’être sujets, auteurs d’une expression que l’on va accompagner jusqu’à la création. L’objectif est de symboliser tout ce qui fait souffrir ces personnes, sans forcément qu’elles s’en rendent compte. C’est dans l’évolution d’une production à l’autre, ce qu’on appelle la création comme processus de transformation, que les tourments s’invitent dans la production.
Puis il y a un échange autour de la création artistique qui a été faite, pour nommer les difficultés rencontrées lors de celle-ci.
Quelles formes peut prendre l’art-thérapie ?
Je préconise que l’art-thérapie ne s’adresse pas directement au corps car il est meurtri. Je suis ainsi peu favorable à la danse et au théâtre, sauf avec de très grandes précautions et respect de l’autre. En revanche, je suis particulièrement pour les arts visuels, le collage est très intéressant, le découpage, les récits inventés.
Pour les victimes de violences sexuelles, il faut être extrêmement délicat, ne pas brusquer, ne pas révéler ce que l’on comprend si la personne n’en n’a pas conscience. On pratique alors l’invention de fiction, la photo, le modelage, la peinture et la gestuelle avec très grande prudence.
Quels sont les bienfaits de l’art-thérapie pour les personnes victimes de violences sexuelles ?
Parler du traumatisme c’est d’une certaine façon le revivre, l’art-thérapie est donc particulièrement adaptée pour des personnes ayant subi un traumatisme parce que nous n’allons justement pas accompagner avec la parole mais avec la création artistique, ce qui sera beaucoup plus doux pour la personne.
Comment l’art-thérapie contribue-t-elle à développer la résilience chez les victimes de violences sexuelles ?
L’art-thérapie peut contribuer à développer la résilience parce qu’elle ne va pas se focaliser sur le traumatisme mais au contraire faire appel aux ressources des personnes. Nous partons du postulat que chaque personne a des ressources en elle, l’art-thérapeute va donc mettre en place un cadre et des conditions qui vont peu à peu permettre à la personne de les solliciter dans la création, d’en prendre conscience, et donc changer le regard qu’elle se porte.
L’art-thérapie peut permettre au travers de la création, de l’imaginaire et du symbolique, de se relier à ses sensations, à son corps, de le ré-apprivoiser, de susciter l’élan vital, des envies, des désirs, qui vont reprendre plus de place dans la vie de la personne et reprendre le pas sur ses difficultés.
Avez-vous des retours de personnes que vous avez accompagnées, sur l’impact à long terme de l’art-thérapie dans leur vie ?
Souvent l’art-thérapie est perçue par les personnes qui l’ont faite comme un déclencheur, ce qui leur a permis d’amorcer une transformation personnelle. La personne va poursuivre sa transformation en dehors de l’atelier d’art-thérapie c’est donc la personne elle-même qui est auteure de sa propre transformation !
Souvent les personnes parlent du temps de l’art-thérapie comme d’un moment très important de leur vie.