Les sites de chat en ligne : le repère des pédocriminels

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Pour les adolescents, les sites de chat en ligne sont un moyen simple de faire des rencontres, de discuter, d’échanger et de partager avec des jeunes d’horizons différents. Pourtant, n’importe qui peut se cacher derrière un pseudo. Et sur ces sites où la modération est quasi-inexistante, il est facile pour les pédocriminels d’entrer en contact avec de jeunes adolescents pour leur faire des propositions sexuelles.

Sur la liste de ces sites de chat, Coco.gg est en première place. Récemment fermé par les autorités, le site a longtemps été le repère de prédateurs en ligne.

Coco.gg

Créé en 2003, coco.gg est un chat en ligne ouvert à tous très prisé des adolescents. En quelques clics, il est possible de s’enregistrer sur le site sans renseigner d’informations personnelles vérifiables. Il suffit de donner son genre, son âge (souvent faux), son code postal pour créer un pseudo.

Mais au-delà d’offrir aux adolescents un espace d’échange et de rencontre, le site permet surtout aux adultes de rentrer en contact avec des mineurs sans aucune surveillance ni modération. Sans vérification de l’âge et sous couvert d’anonymat, les mises en relation entre mineur et majeur sont facilitées et les dérives amplifiées. Comme le journal France 3 a pu le découvrir en créant un faux profil sur le site, en quelques secondes, plusieurs messages à caractère sexuel affluent sur la messagerie privée, allant des photos ou vidéos intimes aux propositions de rapports sexuels monnayés.

À l’origine de plusieurs affaires judiciaires : arnaques, prostitution, homophobie, extorsion, etc, le site de chat en ligne est qualifié de repaire à pédophiles et prédateurs sexuels sur internet. Ce site est « un terrain de chasse pour les prédateurs », a relevé Sophie Antoine, responsable juridique d’ACPE (Agir contre la prostitution des enfants), interrogée par l’AFP.

« Onze hommes jugés pour des relations sexuelles avec une collégienne »

C’est une des récentes affaires qui a mis en avant le site coco.gg comme un repaire de pédophiles et prédateurs sexuels sur internet. Âgés de 25 à 60 ans, onze hommes étaient jugés jeudi 25 avril 2024 pour avoir eu des relations sexuelles avec une adolescente de 14 ans.

En avril 2023, les parents de l’adolescente, inquiets de son absence, se présentent à la gendarmerie de Bouchain dans le Nord. Grâce à son téléphone, l’adolescente a été retrouvée dans un hangar agricole chez un des prévenus dans le Pas-de-Calais. Les recherches menées ont montré que les agresseurs avaient rencontré la victime sur Snapchat et sur le site Coco.gg. Au total, il y aurait eu des échanges avec 54 comptes entre octobre 2022 et avril 2023. 

Poursuivis pour « recours à la prostitution d’un mineur », « atteinte sexuelle sur mineur » et « agression sexuelle sur mineure de 15 ans avec une différence d’âge d’au moins 5 ans », les douze hommes ont été condamnés par le tribunal correctionnel de Valenciennes, jusqu’à 10 mois de prison ferme pour la peine maximale.

Le tribunal a estimé qu’aucun des prévenus ne pouvait ignorer que la jeune fille avait moins de 15 ans au moment des faits. Tous ont également reçu une obligation de soins, une interdiction d’exercer pendant cinq ans une activité salariée ou bénévole en contact avec des mineurs, et une inscription au fichier des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes.

Le site coco.gg finalement fermé par les autorités

Après plusieurs demandes d’associations pour la fermeture du site, Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, annonçait début mai avoir saisi la justice à l’encontre du site Coco.gg afin d’engager « le plus rapidement possible, un certain nombre de moyens qui iront pourquoi pas jusqu’à la fermeture s’ils ne prennent pas rapidement des dispositions pour protéger les clients de leur site ».

C’est dorénavant chose faite puisque le site a été fermé à la demande des autorités françaises, mercredi 26 juin. Cette fermeture a été réalisée sous l’autorité de la juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée (Junalco) du parquet de Paris.

Une victoire pour les acteurs de la protection de l’enfance en ligne, dont plusieurs associations ont salué la décision du Parquet de Paris et de la Gendarmerie Nationale sur les réseaux.

Un site parmi tant d’autres…

Ce site n’est malheureusement pas le seul dans son cas. Et nous craignons de voir émerger de nouveaux sites de chat en ligne hors de contrôle. C’est d’ailleurs le cas avec le site rencontre-ados.net qui a déjà été visé par de nombreux signalements.

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des jeunes interrogés entre 12 et 16 ans ont déjà été contactés en ligne par des inconnus*

Près de 500 contenus illicites, en particulier des propositions pédocriminelles, ont été comptabilisés par Pharos, permettant la mise en relation des jeunes entre 13 et 25 ans. Comme sur Coco.gg, les profils de jeunes filles mineures reçoivent de nombreux messages et sollicitations en quelques minutes.

Mais au-delà des sites de chat en ligne, les pédocriminels abordent couramment les jeunes sur des sites plus communs comme les réseaux sociaux : Instagram, Snapchat, Skype, TikTok…

*une étude de Thorn, publiée en février 2024 sur les « Points de vue des jeunes sur la sécurité en ligne en France »

Que faire pour y remédier ?

Aujourd’hui, rien n’impose à ces sites de vérifier l’âge de leurs utilisateurs. Toutefois, les plateformes ont l’obligation de mettre en place des mesures en cas de signalement de profils malveillants et si nécessaire, de les désactiver.

La sécurité des jeunes passe avant tout par la prévention et l’information. Il est important de les sensibiliser dès le plus jeune âge sur les dérives et les dangers d’internet et en particulier des sites de chat en ligne. Un enfant n’est pas plus en sécurité derrière un ordinateur dans sa chambre que dehors. En tant que parents ou adultes encadrants, vous avez un rôle à jouer dans leur protection !

**selon une étude franco-belge réalisée par l’Université Libre de Bruxelles en 2022.

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entre 13 et 25 ans ont déjà envoyé un nude**
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des mineurs interrogés déclarent avoir subi au moins un préjudice sexuel en ligne avant l’âge de 18 ans***

Samuel Comblez, psychologue et codirecteur de l’association e-enfance, interviewé par franceinfo, a récemment répondu aux questions de collégiens. Il leur a conseillé de garder un esprit critique lorsqu’ils échangent avec quelqu’un sur internet : « Toujours garder en tête que derrière un pseudo peut se cacher quelqu’un de malveillant ».

Il a également donné quelques astuces aux élèves : « si tu as un doute sur les intentions de quelqu’un avec qui tu parles, tu peux lui demander une note vocale pour voir si sa voix correspond à son âge. Tu peux aussi demander à d’autres membres du site s’ils ont entendu parler de ce pseudo. Enfin, sache qu’il y a aussi parfois des modérateurs qui peuvent te dire si un compte suspect a été repéré. »

***étude de WeProtect Global Alliance publié en mai 2022.

Voici une liste de recommandations pour se protéger sur internet :

  • Mettre ses réseaux en privé ;
  • Ne pas donner d’informations personnelles ;
  • Ne pas envoyer de photos ou vidéos dénudées, ne pas accepter les propositions d’inconnus ;
  • Si une situation met mal à l’aise : en parler à une personne de confiance ;
  • Faire des captures d’écran de la conversation pour conserver les preuves et bloquer le compte ;
  • Déposer plainte auprès des services de police ou de gendarmerie ;
  • Signaler le contenu lorsqu’il a été publié, via le site PHAROS, les réseaux sociaux ou le 3018.

Vous avez des questions ou vous souhaitez discuter d’une situation qui vous préoccupe ?

Ensemble, luttons contre les violences sexuelles en milieu sportif et libérons la parole des victimes.

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