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Rapport de la commission d’enquête

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Le mois dernier, la commission d’enquête relative à l’identification des défaillances de fonctionnement au sein des fédérations sportives françaises a rendu son rapport. Sébastien Boueilh et Simon Latournerie ont été auditionnés lors de l’enquête en 2023.

À travers ce dossier, vous trouverez un résumé du rapport d’enquête de la commission. Les difficultés rencontrées, les problèmes soulevés et les solutions proposées sont celles données par la commission.

Création de la commission d’enquête

La commission a été créée le 20 juin 2023, à la suite de nombreuses révélations publiques de sportives et sportifs et de diverses affaires retentissantes ayant trait à la gestion de plusieurs fédérations. C’est le groupe Écologistes – NUPES qui est à l’initiative de cette commission et qui a souhaité exercer le « droit de tirage » que le Règlement de l’Assemblée nationale offre à chaque groupe d’opposition ou groupe minoritaire. 

Le droit de tirage est un dispositif du règlement de l’Assemblée nationale qui permet à un groupe politique d’inscrire à l’ordre du jour une proposition de résolution visant à la création d’une commission d’enquête. Une commission d’enquête est la procédure classique lorsqu’il s’agit de contrôler l’action du gouvernement, qui est l’une des prérogatives du Parlement.

Pendant 6 mois, la commission a enquêté sur 3 axes : 

  • Les violences, sexuelles et sexistes mais aussi psychologiques et physiques ;
  • Les discriminations et la haine ;
  • La gestion financière des fédérations.

Rapport de la commission : auditions et constatations

193 personnes ont été auditionnées au cours de 92 auditions, pendant plus de 130 heures. 

Des centaines de contributions écrites, de personnes que la commission n’a pu entendre, ont également été reçues. Des contrôles sur place ont été effectués par madame la rapporteure à l’INSEP, à la Fédération Française d’Athlétisme et à deux reprises au ministère des Sports.

La commission a commencé par auditionner les victimes puis elle a entendu un grand nombre d’acteurs clés tels que les journalistes ainsi que les représentants de fédérations sportives. 

Trois sujets majeurs sont revenus dans le rapport : la confrontation à des difficultés symptomatiques d’un défaut de culture démocratique, d’un entre-soi et d’une omerta ; les défaillances systémiques ; la lutte contre les violences et les discriminations. 

Confrontation à des difficultés symptomatiques

La commission dit avoir rencontré des difficultés et obtenu des réactions qui reflètent un manque de culture démocratique, d’entre-soi et d’omerta. La rapporteure a dénoncé les obstacles rencontrés pour obtenir des documents essentiels du ministère des Sports, comme le suivi des signalements de violences par Signal-Sports. 

Le rapport de la commission révèle d’autres difficultés rencontrées telles que : 

  • Un courrier du président du CNOSF qui remettait en question les objectifs et le calendrier de la commission ;
  • Une lettre du président de Fédération Française d’Athlétisme qui critiquait l’intervention des députés dans les décisions disciplinaires des fédérations ;
  • La prise de position de la ministre des Sports et de l’association au sujet de la plateforme Balance ton Sport lancée par la commission. 

La commission dit avoir également été confrontée à des mensonges, des inexactitudes, approximations, expressions de déni et de désinvolture lors des auditions. Ainsi, de nombreuses auditions de responsables, y compris celle de la ministre, ont été suivies de démentis par les médias, de lettres de rectification adressées à la commission. 

La commission déclare alors que les auditions en elles-mêmes constituaient déjà « un puissant révélateur de l’existence d’une culture du secret, du mensonge et du faux témoignage, qui sont des dimensions essentielles de l’omerta ». 

Défaillances systémiques

La commission d’enquête a mis en évidence les déficiences structurelles dans la gouvernance du monde sportif, notamment les complications entre l’État et les fédérations. Selon elle, ces dysfonctionnements ont rendu difficile la prévention et la détection des comportements inappropriés, notamment en matière de violences et de protection de l’éthique. 

Les lacunes de l’État sont dites multiples : un manque de moyens, une dilution des responsabilités, une proximité excessive avec le mouvement sportif, et une gestion inefficace des cadres d’État affectés aux fédérations. En parallèle, les fédérations elles-mêmes n’ont pas démontré une capacité suffisante à s’autoréguler et à répondre efficacement aux enjeux de lutte contre les violences et de préservation de l’éthique. 

Face à cette situation, la rapporteure a insisté sur la nécessité d’un « choc de contrôle, de démocratie et de transparence », soulignant que seule une autorité administrative indépendante pourrait superviser et améliorer la situation dans le monde du sport. 

Lutte contre les violences et les discriminations

Un enfant sur sept subit des violences dans le milieu sportif avant sa majorité. Parmi les 5,5 millions de femmes et d’hommes adultes qui ont été victimes de violences sexuelles dans leur enfance, 150 000 l’ont été dans le milieu sportif. 

En novembre 2023, Signal-sports, avait traité plus de 1 800 signalements, qui mettaient en cause les agissements de plus de 1 200 personnes à l’encontre de victimes dont 8 sur 10 étaient mineures au moment des faits. 

Le témoignage de Sarah Abitbol, « Un si long silence », publié début 2020, a déclenché une prise de conscience majeure et marqué un tournant dans la lutte contre les violences sexuelles dans le sport. 

La création de Signal-sports et la mise en oeuvre du contrôle de l’honorabilité des éducateurs et encadrants sportifs, impulsées par Roxana Maracineanu, ancienne ministre des Sports, ont été perçues comme des réponses cruciales à ce problème. 

Malgré ces avancées, la commission d’enquête souligne l’invisibilité de Signal-sports mais aussi des dysfonctionnements dans le traitement des signalements par des services déconcentrés, saturés et insuffisamment formés. 

Les travaux de la commission ont aussi permis de constater des lacunes importantes dans la politique de prévention, comme le contrôle de l’honorabilité, l’accompagnement des victimes et la réponse pénale : « la libération de la parole se heurte trop souvent à l’impunité des agresseurs comme de ceux qui ont contribué à l’omerta ». 

Les données incomplètes du ministère des Sports et les travaux de la commission ont révélé des lacunes dans la protection des enfants contre les prédateurs. En novembre 2023, sur 783 éducateurs sportifs mis en cause, 573 étaient rémunérés ou stagiaires, avec seulement 73% possédant une carte professionnelle valide. Des insuffisances dans la régularisation des cartes professionnelles ont été constatées, notamment à la Fédération Française de Tennis. 

Bien que le contrôle de l’honorabilité des éducateurs bénévoles soit inscrit dans la loi depuis 2006, sa mise en œuvre effective a été retardée jusqu’en septembre 2021, avec des contrôles encore incomplets dans de nombreuses fédérations.

Des stratégies de contournement ont été observées, particulièrement au sein de la Fédération Française de Football, mettant en évidence des défaillances.

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